Marie-Annick Darmaillac, administratrice du groupe Renault et membre du comité de gouvernance et des rémunérations, introduit cette conférence en précisant que l’administrateur, qui a probablement été invité à rejoindre le conseil d’administration pour ses compétences techniques, financières, juridiques, et ou économiques, doit nécessairement s’engager de plus en plus aujourd’hui au service de l’entreprise et de son intérêt social, mais aussi s’adapter à de nouveaux enjeux sociaux et environnementaux. Ce qui nécessite de sortir de son conseil d’administration et d’aller à la rencontre des collaborateurs de l’entreprise pour travailler en synergie et toujours mieux connaître les défis que l’entreprise doit relever.
« Si chaque partie prenante doit assumer ses responsabilités et apporter sa contribution, il convient aussi de mener un travail collectif pour que les entreprises abordent au mieux la transition économique et écologique qui vient » – Marie-Annick Darmaillac.
Ancien président-directeur général de Natures & découvertes, Antoine Lemarchand indique que sa société a quasiment joué le rôle d’administrateur auprès de nombre de ses prestataires et fournisseurs, dont le chiffre d’affaires dépendait grandement du Groupe, et dont les responsables ont en réalité conseillé ces partenaires économiques. Parmi les objectifs retenus pour mesurer l’impact extra-financier des sociétés figurent notamment la neutralité carbone et les mesures mises en œuvre pour l’atteindre, la qualité de vie au travail et la manière dont elle est mesurée dans l’entreprise, ou encore l’actionnariat salarié, que seules 4 % des PME françaises ont mis en place à ce jour.
Président-directeur général de Système U, Dominique Schelcher précise que, par essence, chaque administrateur est engagé. Au sein de Système U, la coopérative compte un total de 1 600 points de vente et de 1 200 directeurs, qui élisent les 18 administrateurs qui les représentent et président au destin de Système U. En outre, chaque administrateur forme un binôme avec un permanent, expert de la coopérative, et prépare les dossiers soumis pour discussion au conseil d’administration. Ainsi, les propositions et préconisations débattues sont-elles dûment préparées
« Dans un modèle coopératif, chaque administrateur est investi d’une mission et son engagement tient d’abord au fait qu’il dirige son propre point de vente ; lors des réunions du conseil d’administration, il peut évoquer la vie de son magasin, le quotidien de ses salariés, ou encore les remarques de ses clients » – Dominique Schelcher.
Bruno Hug de Larauze, président-directeur général du groupe Idea, indique que très tôt, sa SCOOP a travaillé à l’élaboration de méthodes de gestion relativement modernes et tenu compte de la diversité des situations de ses collaborateurs, un jeune fraîchement arrivé n’ayant pas les mêmes attentes qu’un salarié qui s’apprête à partir à la retraite.
C’est pourquoi Idea a créé de multiples instances de gouvernance, dont un conseil stratégique composé exclusivement de personnalités extérieures à la SCOOP, et un comité de pilotage RSE. Ces initiatives ont permis d’apprécier le degré de maturité général de l’entreprise.
« Afin d’élaborer le plan stratégique quinquennal de l’entreprise, nous avons demandé à chaque collaborateur de soumettre à la direction générale des idées de projets pouvant être concrètement déployés. Nous avons fonctionné de la sorte à différents échelons, dont le conseil d’administration et le comité stratégique, puis croisé les regards » – Bruno Hug de Larauze.
Dominique Schelcher indique que Système U fait un gros effort sur la formation de ses administrateurs afin que les décisions prises répondent aux besoins de l’enseigne, aujourd’hui et demain, notamment dans le domaine de la transition écologique. En outre, afin de faire en sorte que les administrateurs aillent au-delà de leur mission, Système U a créé un comité des jeunes U, tous âgés de moins de trente ans, tous engagés, parfois déjà directeurs de leur magasin, et qui sont réunis régulièrement pour travailler sur les principaux sujets du conseil d’administration.
Sur ces derniers, ces jeunes portent un regard différent, qui apporte un nouvel éclairage aux administrateurs, notamment dans les domaines du numérique, de la RSE, etc. Ce partage des points de vue influent sur notre stratégie et les décisions prises par le conseil d’administration.
Marie-Annick Darmaillac précise que, chez Renault, le comité éthique Responsabilité sociétale a fusionné avec le comité stratégique afin que les questions environnementales, climatiques, ne soient pas marginalisées, mais se trouvent au cœur de la stratégie.
« En ma qualité d’administrateur indépendant, je me rends auprès des équipes et me fais passer pour un client ; j’ai pu observer que des administrateurs d’entreprises que j’accompagne se disent très engagés, notamment dans le domaine de la RSE, alors même qu’ils ne vont pas au contact des collaborateurs sur le terrain » – Antoine Lemarchand.
Administrateur d’une banque et président de son comité d’audit, Bruno Hug de Larauze indique être amené à rendre un avis sur certains sujets, dont il est préférable qu’il soit unanime, notamment vis-à-vis des autorités prudentielles. C’est pourquoi il importe de parvenir à des compromis afin de ne pas fragiliser l’entreprise. Pour lui, chaque administrateur doit être formé et ne prendre la parole que sur les sujets qu’ils maîtrisent.
« Un administrateur rejoint un conseil d’administration pour mettre ses compétences au service d’une entreprise ; aujourd’hui, il est amené à évoluer, doit prendre des avis, et conduit à se positionner sur des questions qui ne relèvent pas initialement de son domaine d’expertise » – Marie-Annick Darmaillac.
Antoine Lemarchand alerte sur les taux de rendement très intéressants et ce qu’ils peuvent impliquer. Certains ratios peuvent atteindre 50 % alors même que la croissance mondiale plafonne à 3 % et que l’argent est très modique, l’administrateur doit faire en sorte d’en savoir davantage sur les leviers actionnés pour parvenir à envisager de tels taux. Enfin, il convient de veiller à ce que le partage de la valeur soit compris par tous ; des salariés peuvent considérer que le niveau élevé des dividendes et des rachats d’action vient priver l’entreprise d’opportunités d’investissement.
« Des ratios très significatifs impliquent souvent une dégradation sociale ou environnementale » – Antoine Lemarchand
Dominique Schelcher indique que, chez Système U, les débats, réflexions, et stratégies sont inspirés de l’ensemble des remontées d’information en provenance du réseau, rendues possibles par les réunions des directeurs de magasin, qui se tiennent chaque premier jeudi du mois. Marie-Annick Darmaillac précise que d’aller à la rencontre des collaborateurs sur le terrain de mieux comprendre le fonctionnement et les difficultés, le contexte, etc. : tel est le rôle de l’administrateur, qui doit consacrer davantage de temps à l’accompagnement de l’entreprise dans sa transition que celui qu’il passe en séance du conseil d’administration.
Dominique Schelcher indique demander à ses administrateurs de se rendre sur le terrain pour échanger avec les magasins, les fournisseurs, en vue de recueillir toutes les informations permettant de bâtir les solutions de demain.
« Dans le commerce alimentaire, nous sommes rappelés en permanence à la réalité par nos clients » – Dominique Schelcher
En conclusion, Bruno Hug de Larauze indique que sur le plan méthodologique, il faut créer des référentiels des risques, mais aussi une cartographie des opportunités, afin de toujours apprécier les uns par rapport aux autres en Conseil d’administration. Pour Marie-Annick Darmaillac, comités de la raison d’être et comités de gestion peuvent rabattre les cartes ; en outre, la recherche d’opportunités via des parties prenantes externes n’est pas non plus à exclure. Antoine Lemarchand indique que bien souvent, les administrateurs doivent aussi faire en sorte que l’ensemble des strates du management soient convaincues de la nécessité de s’engager pleinement. Bruno Hug de Larauze indique, in fine, que les administrateurs et les dirigeants doivent savoir faire preuve d’humilité et de sincérité, notamment lorsqu’un sujet qu’ils ne maîtrisent pas est soumis à leur examen.
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