Valérie Bernis, Gaëtan Congar, Pascaline Peugeot de Dreuzy, Anne Garans, Benoit Halgand, Gilberte Lombard, Didier Martin, Patrick-Hubert Petit, Nathalie Rondeau, Cécile Vacher, membres du groupe de travail responsabilité sociétale du club ESG de l’IFA.
Pour eux, l’entreprise doit adapter rapidement son modèle d’affaires et faire évoluer sa culture interne pour répondre aux attentes de la génération du millénium.
Prise de conscience de la responsabilité de l’entreprise vis-à-vis de la Société, lois et réglementations multipliées depuis 2001 sur le sujet, montée en puissance de la « consommation citoyenne », la responsabilité sociétale de l’entreprise est à l’ordre du jour et se traduit dans les actes.
Mais reste une question : quel est le champ précis du sociétal, souvent assimilé de façon réductrice à celui du social ?
Mouvements de contestation aux États-Unis pour dénoncer le racisme systémique : crise sociale ou mouvement sociétal ? Détachement d’un bloc de glace au pôle Sud : crise environnementale ou enjeu sociétal ? À chacun son interprétation. Reste une autre interrogation : quel rôle pour l’entreprise dans tout cela ?
La fin d’un certain modèle d’affaires.
Le débat est ancien mais s’est fortement intensifié sur la dernière décennie.
Des initiatives ont vu le jour, avec diverses réglementions nationales, européennes et recommandations de « soft law » (code AFEP-Medef, Objectifs de Développement Durable, Global Reporting Initiative…).
Il y a deux ans, avec la loi PACTE, l’article 1833 du Code Civil a été révisé pour entériner la fin du modèle d’affaires de l’entreprise n’ayant vocation qu’à être gérée dans l’intérêt commun des actionnaires.
Tout décisionnaire se doit désormais de considérer les enjeux et conséquences financiers, sociaux et environnementaux que soulève son activité sur son écosystème et la société prise dans sa globalité.
Cette modification de la loi a élargi l’objet social de l’entreprise, avec l’ambition de couvrir les dimensions éthiques, sociales et environnementales des politiques et actions que celle-ci mène. C’est pourquoi on parle depuis de Sociétal et la crise de la Covid 19 est venue renforcer l’importance de ce terme.
Plus loin que l’environnemental et le social
Le sociétal recoupe évidemment l’environnemental et le social, centré sur la responsabilité de l’entreprise envers ses collaborateurs, mais va plus loin.
A minima, il s’aligne sur les obligations légales en matière de gestion et d’organisation de l’entreprise, telles l’égalité de rémunération entre hommes et femmes, la féminisation des organes de direction et gouvernance, le devoir de vigilance, l’économie circulaire, mais également sur la déclaration de performance extra-financière.
Il peut aller plus loin en préemptant respect des droits de l’homme, inclusion, relations avec les parties prenantes, ancrage dans les territoires et relations avec les acteurs de la société civile.
Le sociétal passe aussi par l’engagement proactif de l’entreprise pour intégrer les enjeux de société dans les réflexions de ses organes de direction et de gouvernance et dans les orientations stratégiques qu’elle se donne, ainsi que dans ses interactions avec les acteurs de son écosystème et la société civile.
Lorsque les engagements communiqués sont suffisamment précis, ils peuvent devenir source d’obligation et de responsabilité. Mais, au-delà de l’aspect coercitif, il faut surtout y voir un potentiel de création de valeur et un acte de bonne gouvernance de nature à assurer la pérennité et le développement durable et harmonieux de l’entreprise.
De nouvelles opportunités
Il est donc impératif pour les dirigeants et membres du conseil d’administration, en tant que garants des valeurs et de l’avenir de leur entreprise, d’intégrer la pleine dimension des enjeux sociétaux afin de pouvoir en saisir les opportunités.
Ce qui impose :
- Faire du sociétal une des priorités du plan stratégique et de l’analyse des risques de l’entreprise ;
- Intégrer le sociétal dans les politiques et actions menées et disposer en interne des éléments d’appréciation et de mesure appropriés ;
- Ouvrir le champ de la gouvernance et entrer dans un dialogue continu, transparent et constructif avec les parties prenantes, si possible en créant un comité des parties prenantes et d’intégrer l’ESG dans le pilotage et la gouvernance de l’entreprise ;
- Réaffirmer le sens des engagements de l’entreprise et fédérer ainsi les énergies internes et externes autour d’un projet partagé en renforçant le cas échéant cette démarche par l’adoption d’une raison d’être ;
- Se doter en interne, tant au sein des équipes opérationnelles et de direction que du conseil d’administration, des compétences et sensibilités appropriées pour mettre en symbiose financier et extra-financier.
Vers un capitalisme responsable
C’est ainsi que l’entreprise pourra adapter rapidement son modèle d’affaires, saisir les opportunités liées aux enjeux sociétaux, avoir un impact positif pour la société et faire évoluer sa culture interne pour répondre aux attentes croissantes de la génération du millénium.
Elle contribuera ainsi au nouveau modèle économique, social et sociétal, répondra aux exigences de l’article 1833 révisé du Code civil et apportera sa pierre à l’édification d’un véritable « capitalisme responsable » dans nos économies matures.
Pour aller plus loin:
La note du groupe de travail du club ESG IFA : La responsabilité sociétale
Tribune sur la responsabilité sociétale publiée sur le site de La Croix le 03 juillet 2021