Le conflit d’intérêts vise toute situation dans laquelle un dirigeant social, exerçant ses droits et pouvoirs, doit choisir entre la satisfaction de l’intérêt de la société et la satisfaction d’un intérêt personnel opposé à l’intérêt social. Un tel intérêt personnel peut être recherché soit à l’extérieur de la société soit dans la société.
L’intérêt personnel extérieur à la société peut être soit matériel (obtention d’un gain au détriment de l’entreprise), soit moral (approuver une transaction préjudiciable qui avantage un tiers pour ménager des relations avec lui). Dans les deux cas, la société s’appauvrit. Lorsque l’intérêt personnel est recherché dans la société, il consiste en l’octroi d’avantages au détriment des autres actionnaires : il y a alors non pas appauvrissement du patrimoine social, mais traitement inégal des actionnaires.
Prenons un exemple : une société mère initie une offre publique de retrait visant les titres minoritaires de sa filiale. Or, le prix offert bénéficie très fortement à la société mère. L’administrateur de celle-ci approuve l’offre publique mais, en sa qualité d’administrateur de la filiale, émet un avis recommandant aux minoritaires de répondre à l’offre. Ni la société initiatrice, ni la société visée ne sont appauvries : les seules victimes sont les actionnaires de la filiale, dont les intérêts ont été sacrifiés.
Il importe donc de prévenir et de gérer les conflits d’intérêts. Il existe des dispositifs législatifs et réglementaires ayant cet objectif, entre autres la procédure des conventions réglementées (articles L.225-38 et suivants du Code de commerce) pour toutes les sociétés. Cependant, pour se prémunir contre tout conflit d’intérêt, ces dispositifs doivent être complétés par le respect des règles de bonne gouvernance, aussi impératifs soient-ils.
Plusieurs bonnes pratiques visent notamment à faciliter la détection des conflits d’intérêt.
L’administrateur est tenu, pendant toute la durée de son mandat, d’apprécier par lui-même si sa situation est susceptible de générer des conflits d’intérêts. Ainsi il doit s’informer régulièrement de l’état des exigences liées aux principes de gouvernance, d’autant plus que cette notion est évolutive. D’autre part, chaque administrateur conserve un devoir de vigilance concernant les situations de conflits d’intérêts qui ne seraient pas révélées par ses collègues.
A cette fin, il utilise les moyens d’information que la société est tenue de mettre à sa disposition, sans pour autant instituer un climat de suspicion au sein du conseil. Il est enfin recommandé que le conseil réexamine chaque année la situation de chacun de ses membres.
La prévention commence donc par la prudence, comme l’exprime l’article 5 de la Charte de l’IFA qui dispose que « l’administrateur s’efforce d’éviter tout conflit pouvant exister entre ses intérêts moraux et matériels et ceux de la société ». Si toutefois un tel dilemme survient, le même texte édicte deux devoirs de l’administrateur : informer le conseil et s’abstenir de participer aux débats ainsi qu’à toute décision sur les matières concernées.
L’information du conseil procède du devoir de loyauté envers ses pairs, le silence nourrissant la suspicion. La mise en œuvre de cette obligation de révélation doit être décrite dans le règlement intérieur de la société et/ou la charte du conseil. Parmi les modalités à prévoir devraient figurer la « déclaration dur l’honneur » lors de la prise de fonction (et renouvelée chaque année), et la désignation d’un interlocuteur destinataire des déclarations et des saisines spontanées en cours d’année. Cet interlocuteur doit disposer d’un niveau d’indépendance et d’autorité lui permettant de décider des mesures à prendre.
L’abstention de participer aux débats est tout à la fois une mesure de protection des intérêts individuels de l’administrateur concerné et une mesure renforçant l’autorité du conseil, dont les délibérations ne seront pas altérées par des soupçons que légitimerait le conflit d’intérêts.
Enfin, d’autres agents interviennent dans la gestion des conflits d’intérêt. Par exemple, dans les sociétés n’ayant pas opté pour la dissociation des fonctions de président du conseil et de directeur général, il est fortement conseillé de nominer un administrateur référent libre d’intérêts avec la charge de veiller sur les situations de conflits d’intérêts, et dont les pouvoirs et prérogatives devront être prévues dans le règlement intérieur.
En outre, il est recommandé que les administrateurs indépendants non concernés par le conflit instruisent le dossier au sein d’un groupe ad hoc. Dans les sociétés cotées, le président du conseil doit rendre compte des conditions de préparation des travaux du conseil dans un rapport qu’il présentera à l’assemblée générale, et qui mentionnera qu’aucun conflit d’intérêt n’a été identifié ou, le cas échéant, que la détection d’un tel conflit a donné lieu à un traitement approprié.