Assemblée générale annuelle : qu’est-ce que le say on climate ?
Définition et genèse
L’assemblée générale des actionnaires est, particulièrement pour les sociétés cotées, un temps fort de la démocratie actionnariale. En effet, les actionnaires y ont pour habitude d’être consultés sur différents sujets : l’élection des membres du conseil d’administration, la rémunération des dirigeants ou encore la modification des statuts de la société. Et ils peuvent aussi, sous certaines conditions, proposer des résolutions afin de les soumettre au vote.
C’est dans ce contexte que le Say on Climate a fait son apparition.
Le « say on climate » est une résolution à l’agenda des assemblées générales. Elle peut être déposée par l’entreprise elle-même ou par ses actionnaires, afin de faire voter les actionnaires chaque année sur la politique climat des entreprises cotées et assurer dès lors un dialogue permanent sur les questions environnementales.
C’est le fonds activiste The Children Investment Fund (TCI) qui, le premier, a popularisé cette pratique, avec une première résolution votée en 2020 lors de l’assemblée générale d’Aena, société espagnole de gestion d’aéroports. Les principales sociétés visées à l’heure actuelle par ce type de demande sont des sociétés exerçant dans les secteurs d’activité les plus polluants.
La proximité avec le « Say on Pay » est évidente, tant ce régime s’inspire des dispositions applicables aux rémunérations pour l’appliquer à la stratégie climatique des entreprises, exigeant ainsi des entreprises qu’elles rendent compte à leurs actionnaires de leurs décisions. L’objectif, à l’heure actuelle, est d’assurer par ce biais un dialogue permanent sur les problématiques environnementales entre les émetteurs et les investisseurs.
De telles résolutions s’inscrivent dans une tendance plus générale visant à introduire des résolutions portant sur des enjeux Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) au cœur même des assemblées générales de sociétés commerciales.
Et parmi les résolutions environnementales, on distingue particulièrement les résolutions climatiques, parmi lesquelles figurent les résolutions dites Say on Climate.
En pratique aujourd’hui, ces résolutions sont soit présentées spontanément par l’émetteur (tels que Unilever, Moody’s ou Atos), à la suite d’un dialogue avec son actionnariat, soit dans le cadre d’une résolution d’actionnaire selon les modalités propres à chaque pays.
Le droit français prévoit la compétence de chacun des organes sociaux que sont la direction générale, le conseil d’administration et l’assemblée générale. En outre, et en vertu du principe d’indépendance des organes sociaux, aucun de ces organes ne peut empiéter sur la compétence d’un autre[1].
Concernant la compétence du conseil d’administration[2], il est prévu depuis la loi Pacte :
« Le conseil d'administration détermine les orientations de l'activité de la société et veille à leur mise en œuvre, conformément à son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »
C’est donc au conseil d’administration, en collaboration avec la direction exécutive de la société, de déterminer la stratégie de l’entreprise, ce qui comprend donc sa stratégie climatique.
C’est pourquoi le vote de ces résolutions lors des assemblées générales est nécessairement consultatif.
Une pratique constatée en France
En France, les premières résolutions climatiques sont apparues lors de la saison 2020. Elles visaient deux sociétés : Total et Vinci.
Concernant Total, le projet de résolution visait à amender l’article 19 des statuts de Total en y ajoutant un 3ème alinéa précisant le contenu du rapport de gestion pour y inclure la stratégie de la Société « pour aligner ses activités avec les objectifs de l’Accord de Paris, et notamment ses articles 2.1(a) et 4.1, en précisant un plan d'action avec des étapes intermédiaires pour (i) fixer des objectifs de réduction en valeur absolue, à moyen et long terme, des émissions directes ou indirectes de gaz à effet de serre (GES) des activités de la Société liées à la production, la transformation et l’achat de produits énergétiques (Scope 1 et 2), et à l’utilisation par les clients des produits vendus pour usage final (Scope 3) et (ii) les moyens mis en œuvre par la Société . »
Ce projet a été largement rejeté par l’assemblée générale du 29 mai 2020 (16,80 % des voix pour et 83,20 % des voix contre).
La seconde société, Vinci, a fait l’objet de deux résolutions. L’une visait à obtenir la publication par la société, pendant 4 exercices, de la stratégie de développement durable de l’entreprise et notamment en matière de changement climatique. La seconde visait à prévoir l’inclusion pendant 4 exercices d’une résolution à l’assemblée générale annuelle afin de soumettre au vote des actionnaires, à titre consultatif, le contenu devant être publié dans le cadre de la première résolution. Ces résolutions n’ont pas fait l’objet d’un vote, le conseil d’administration de Vinci ayant estimé qu’elles portaient atteinte aux pouvoirs du conseil d’administration.
En France, durant la saison des assemblées 2021, trois résolutions climatiques ont été proposées par les conseils d’administrations de Vinci, TotalEnergies et Atos. Ces résolutions ont toutes été adoptées.
En avril, Vinci fut la première société à faire voter une résolution consultative relative à son plan de transition environnemental. Elle fut approuvée à plus de 98%.
En mai, la stratégie d’Atos de décarbonation « Zéro émission Nette » fut également approuvée à 97%.
Quelques jours plus tard, Total fit également mettre au vote une résolution relative à la stratégie du groupe en matière de transition énergétique, avec une approbation à plus de 91%.
L’avenir du Say on Climate
Mark Carney, l’envoyé spécial des Nations Unies pour le financement de l’action climatique a incité les investisseurs à contraindre les entreprises à soumettre au vote annuel de leurs actionnaires leur stratégie climatique.[3]
Au Royaume-Uni, le gouvernement a proposé de légiférer pour rendre la pratique des Say-On-Climate obligatoire pour les plus grosses entreprises dès avril 2022.[4]
Aux Etats-Unis, la Securities Exchange Commission (SEC), a pris position afin que les résolutions climatiques ne puissent être rejetées par les émetteurs.[5]
En France, les investisseurs souhaitent aller plus loin en France lors de la saison 2022. Ainsi, le Forum pour l’Investissement Responsable, a lancé une campagne de say-on-climate à destination des sociétés du SBF120 afin de leur demander d’inscrire une résolution climatique à l’ordre du jour de leur assemblée générale annuelle.[6]
Affaire à suivre lors de la prochaine saison des assemblées générales !
[1] Cass. civ., 4 juin 1946 : JCP 1947, II, 3518, note D. Bastian ; S. 1947, 1, p. 153, note P. Barbry, Arrêt Motte
[2] Article L. 225-35 du code de commerce
[3] https://www.reuters.com/article/us-climatechange-britain-summit-idUSKBN27P10O
[4] https://www.gov.uk/government/news/uk-to-enshrine-mandatory-climate-disclosures-for-largest-companies-in-law
[5] https://www.sec.gov/news/statement/peirce-roisman-statement-shareholder-proposals-staff-legal-bulletin-14l?utm_medium=email&utm_source=govdelivery
[6] Le FIR interpelle les 120 premières capitalisations françaises (SBF 120) pour la généralisation d’un Say on climate exigeant, https://www.frenchsif.org/isr-esg/wp-content/uploads/CP_Say-on-climate_FIR_septembre2021.pdf
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